Le séisme de Tohoku et l'accident qu'il a entrainé sur la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi le 11 mars 2011 ont brutalement rappelé la vulnérabilité de nos sociétés et de nos économies face aux risques naturels. En France, plusieurs évènements, comme la tempête Martin de décembre 1999 ou la canicule de l'été 2003, ont mis à l'épreuve des installations nucléaires françaises et ont conduit les acteurs du système de régulation à modifier la prise en compte de ces risques, qui dans certains cas avaient été sous-estimés. Dans le cadre du programme de recherche AGORAS, nous avons pu analyser le fonctionnement et l'évolution du régime de régulation (Hood et al, 2001) français de la sûreté nucléaire à travers l'analyse de la conception de plusieurs instruments de régulation concernant des risques d’origine climatique (Mangeon & Pallez, 2017; Chanton et al., 2016). Il ressort de nos travaux que la conception de ces instruments dévoile les temporalités spécifiques des acteurs de la régulation et souligne la nature des enjeux qui sont les leurs. Notre communication mettra en évidence la diversité de ces temporalités, leurs origines, ainsi que les éventuels conflits qu’elles peuvent entretenir, leurs effets sur les relations entre contrôleurs, experts et exploitants et surtout la manière dont elles sont articulées. Nous traiterons spécifiquement des instruments liés aux risques associés aux inondations et aux températures extrêmes pour les installations nucléaires bien que notre propos puisse être élargi aux aléas climatiques dans leur ensemble. Cette analyse se base sur des archives techniques de l'IRSN, d'EDF, de l'Autorité de sûreté Nucléaire et sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès de spécialistes des risques climatiques et des responsables en charge de ces aspects. Dans un premier temps, nous verrons comment certains évènements déclencheurs (incidents, aléas extrêmes ou non) ont des impacts différenciés, au plan des temporalités, sur la régulation et sur ses instruments, impacts qui vont de la simple modification temporaire à des processus de (re)conception d'instruments de régulation durant plusieurs années. Nous soulignerons ensuite que les acteurs du régime de régulation sont constamment aux prises avec des temporalités multiples, liées à des enjeux et des logiques parfois contradictoires : économiques, scientifiques, industrielles et politiques. Toutefois, de multiples dispositifs de synchronisation permettent aux acteurs de mener à bien le complexe travail de régulation rendu nécessaire par l’occurrence d’événements climatiques extrêmes. Dans un second temps nous analyserons comment sont articulées ces temporalités multiples, dans l'évaluation des risques d’origine climatique. Nous verrons que la notion de « période de retour » de l'aléa joue un rôle central et qu’elle est au cœur de nombreux dissensus et négociations. Ce travail d’articulation et de régulation (Mangeon, 2018) est rendu plus complexe dans un contexte d'harmonisation européenne, mais surtout en raison des incertitudes scientifiques très fortes concernant l’évolution, l’ampleur et les effets concrets du changement climatique. Dans un troisième temps, nous replacerons ce travail de régulation dans une approche plus globale de la régulation des risques (Boudia, 2014) et proposerons de distinguer trois régimes de temporalités du nucléaire, en nous inspirant de Hartog (2003). Nous verrons que ces régimes constituent des ressources mobilisées face aux risques climatiques. Ils sont le creuset et la trame qui permet aux acteurs de la régulation de définir certaines solutions face aux problèmes posés par les événements climatiques extrêmes.